*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 56212 *** Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris. COMME QUOI NAPOLÉON N'A JAMAIS EXISTÉ COMME QUOI NAPOLÉON N'A JAMAIS EXISTÉ OU GRAND ERRATUM SOURCE D'UN NOMBRE INFINI D'ERRATA, à noter dans l'histoire du XIXe siècle PAR FEU M. J.-B. PÉRÈS, A. O. A. M. Bibliothécaire de la ville d'Agen. Notes bio-bibliographiques par Gustave DAVOIS [Illustration] PARIS L'ÉDITION BIBLIOGRAPHIQUE 11, Rue Gît-le-Cœur 1909 COMME QUOI NAPOLÉON N'A JAMAIS EXISTÉ. Napoléon Bonaparte, dont on a dit et écrit tant de choses, n'a pas même existé. Ce n'est qu'un personnage allégorique. C'est le soleil personnifié; et notre assertion sera prouvée si nous faisons voir que tout ce qu'on publie de Napoléon-le-Grand est emprunté du grand astre. Voyons donc sommairement ce qu'on nous dit de cet homme merveilleux. On nous dit: Qu'il s'appelait Napoléon Bonaparte; Qu'il était né dans une île de la Méditerranée; Que sa mère se nommait _Letitia_; Qu'il avait trois sœurs et quatre frères, dont trois furent rois; Qu'il eut deux femmes, dont une lui donna un fils; Qu'il mit fin à une grande révolution; Qu'il avait sous lui seize maréchaux de son empire, dont douze étaient en activité de service; Qu'il triompha dans le Midi, et qu'il succomba dans le Nord; Qu'enfin, après un règne de douze ans, qu'il avait commencé en venant de l'Orient, il s'en alla disparaître dans les mers occidentales. Reste donc à savoir si ces différentes particularités sont empruntées du soleil, et nous espérons que quiconque lira cet écrit en sera convaincu. Et d'abord, tout le monde sait que le soleil est nommé Apollon par les poètes; or la différence entre Apollon et Napoléon n'est pas grande, et elle paraîtra encore bien moindre si on remonte à la signification de ces noms ou à leur origine. Il est constant que le mot _Apollon_ signifie exterminateur; et il paraît que ce nom fut donné au soleil par les Grecs, à cause du mal qu'il leur fit devant Troie, où une partie de leur armée périt par les chaleurs excessives et par la contagion qui en résulta, lors de l'outrage fait par Agamemnon à Chrysès, prêtre du Soleil, comme on le voit au commencement de l'_Iliade_ d'Homère; et la brillante imagination des poètes grecs transforma les rayons de l'astre en flèches enflammées que le dieu irrité lançait de toutes parts, et qui auraient tout exterminé si, pour apaiser sa colère, on n'eût rendu la liberté à Chryséis, fille du sacrificateur Chrysès. C'est vraisemblablement alors et pour cette raison que le soleil fut nommé Apollon. Mais, quelle que soit la circonstance ou la cause qui a fait donner à cet astre un tel nom, il est certain qu'il veut dire exterminateur. Or _Apollon_ est le même mot qu'_Apoléon_. Ils dérivent du grec: _Apollyô_ ou _Apoleô_ deux verbes grecs qui n'en font qu'un, et qui signifient perdre, tuer, exterminer. De sorte que, si le prétendu héros de notre siècle s'appelait _Apoléon_, il aurait le même nom que le soleil, et il remplirait d'ailleurs toute la signification de ce nom; car on nous le dépeint comme le plus grand exterminateur d'hommes qui ait jamais existé. Mais ce personnage est nommé Napoléon, et conséquemment il y a dans son nom une lettre initiale qui n'est pas dans le nom du soleil. Oui, il y a une lettre de plus, et même une syllabe; car, suivant les inscriptions qu'on a gravées de toutes parts dans la capitale, le vrai nom de ce prétendu héros était _Néapoléon_ ou _Néapolion_. C'est ce que l'on voit notamment sur la colonne de la place Vendôme. Or, cette syllabe de plus n'y met aucune différence. Cette syllabe est grecque, sans doute, comme le reste du nom, et, en grec, _nè_ _nê_, ou _nai_ est une des plus grandes affirmations, que nous pouvons rendre par le mot _véritablement_. D'où il suit que Napoléon signifie: véritable exterminateur, véritable Apollon. C'est donc véritablement le soleil. Mais que dire de son autre nom? Quel rapport le mot _Bonaparte_ peut-il avoir avec l'astre du jour? Ou ne le voit point d'abord; mais on comprend au moins que, comme _bona parte_ signifie bonne partie, il s'agit sans doute là de quelque chose qui a deux parties, l'une bonne et l'autre mauvaise; de quelque chose qui, en outre, se rapporte au soleil Napoléon. Or rien ne se rapporte plus directement au soleil que les effets de sa révolution diurne, et ces effets sont le jour et la nuit, la lumière et les ténèbres; la lumière que sa présence produit, et les ténèbres qui prévalent dans son absence; c'est une allégorie empruntée des Perses. C'est l'empire d'Oromaze et celui d'Arimane, l'empire de la lumière et des ténèbres, l'empire des bons et des mauvais génies. Et c'est à ces derniers, c'est aux génies du mal et des ténèbres que l'on dévouait autrefois par cette expression imprécatoire: _Abi in malam partem_. Et si par _mala parte_ on entendait les ténèbres, nul doute que par _bona parte_ on ne doive entendre la lumière; c'est le jour, par opposition à la nuit. Ainsi on ne saurait douter que ce nom n'ait des rapports avec le soleil, surtout quand on le voit assorti avec Napoléon, qui est le soleil lui-même, comme nous venons de le prouver. 2º Apollon, suivant la mythologie grecque, était né dans une île de la Méditerranée (dans l'île de Délos); aussi a-t-on fait naître Napoléon dans une île de la Méditerranée, et de préférence on a choisi la Corse, parce que la situation de la Corse, relativement à la France, où on a voulu le faire régner, est la plus conforme à la situation de Délos relativement à la Grèce, où Apollon avait ses temples principaux et ses oracles. _Pausanias_, il est vrai, donne à Apollon le titre de divinité égyptienne; mais, pour être divinité égyptienne, il n'était pas nécessaire qu'il fût né en Egypte; il suffisait qu'il y fût regardé comme un dieu, et c'est ce que Pausanias a voulu nous dire; il a voulu nous dire que les Egyptiens l'adoraient, et cela encore établit un rapport de plus entre Napoléon et le soleil; car on dit qu'en Egypte Napoléon fut regardé comme revêtu d'un caractère surnaturel, comme l'ami de Mahomet, et qu'il y reçut des hommages qui tenaient de l'adoration. 3º On prétend que sa mère se nommait Letitia. Mais sous le nom de _Letitia_, qui veut dire _la joie_, on a voulu désigner l'aurore, dont la lumière naissante répand la joie dans toute la nature; l'aurore qui enfante au monde le soleil, comme disent les poètes, en lui ouvrant, avec ses doigts de rose, les portes de l'Orient. Encore est-il bien remarquable que, suivant la mythologie grecque, la mère d'Apollon s'appelait _Leto_, ou Lêtô. Mais si de _Leto_ les Romains firent _Latone_, mère d'Apollon, on a mieux aimé, dans notre siècle, en faire _Letitia_, parce que _lætitia_ est le substantif du verbe _lætor_ ou de l'inusité _læto_ qui voulait dire inspirer la joie. Il est donc certain que cette _Letitia_ est prise, comme son fils, dans la mythologie grecque. 4º D'après ce qu'on en raconte, ce fils de Letitia avait trois sœurs, et il est indubitable que ces trois sœurs sont les trois Grâces, qui, avec les Muses, leurs compagnes, faisaient l'ornement et les charmes de la cour d'Apollon, leur frère. 5º On dit que ce moderne Apollon avait quatre frères. Or, ces quatre frères sont les quatre saisons de l'année, comme nous allons le prouver. Mais d'abord qu'on ne s'effarouche, point en voyant les saisons représentées par des hommes plutôt que par des femmes. Cela ne doit pas même paraître nouveau, car, en français, des quatre saisons de l'année, une seule est féminine, c'est l'automne, et encore nos grammairiens sont peu d'accord à cet égard. Mais en latin _autumnus_ n'est pas plus féminin que les trois autres saisons; ainsi, point de difficulté là-dessus. Les quatre frères de Napoléon peuvent représenter les quatre saisons de l'année; et ce qui suit va prouver qu'ils les représentent réellement. Des quatre frères de Napoléon, trois, dit-on, furent rois, et ces trois rois sont le Printemps, qui règne sur les fleurs; l'Été, qui règne sur les moissons; et l'Automne, qui règne sur les fruits. Et comme ces trois saisons tiennent tout de la puissante influence du soleil, on nous dit que les trois frères de Napoléon tenaient de lui leur royauté et ne régnaient que par lui. Et quand on ajoute que, des quatre frères de Napoléon, il y en eut un qui ne fut point roi, c'est que des quatre saisons de l'année, il en est une qui ne règne sur rien: c'est l'Hiver. Mais si, pour infirmer notre parallèle, on prétendait que l'hiver n'est pas sans empire, et qu'on voulût lui attribuer la triste _principauté_ des neiges et des frimas, qui, dans cette fâcheuse saison, blanchissent nos campagnes, notre réponse serait toute prête; c'est, dirions-nous, ce qu'on a voulu nous indiquer par la vaine et ridicule principauté dont on prétend que ce frère de Napoléon a été revêtu après la décadence de toute sa famille, principauté qu'on a attachée au village de _Canino_, de préférence à tout autre, parce que _canino_ vient de _cani_, qui veut dire les cheveux blancs de la froide vieillesse, ce qui rappelle l'hiver. Car, aux yeux des poètes, les forêts qui couronnent nos coteaux en sont la chevelure, et quand l'hiver les couvre de ses frimas, ce sont les cheveux blancs de la nature défaillante, dans la vieillesse de l'année: Cum gelidus crescit _canis_ in montibus humor. Ainsi, le prétendu prince de _Canino_ n'est que l'hiver personnifié; l'hiver qui commence quand il ne reste plus rien des trois belles saisons, et que le soleil est dans le plus grand éloignement de nos contrées envahies par les fougueux _enfants du Nord_, nom que les poètes donnent aux vents qui, venant de ces contrées, décolorent nos campagnes et les couvrent d'une odieuse blancheur; ce qui a fourni le sujet de la fabuleuse invasion des peuples du Nord dans la France, où ils auraient fait disparaître un drapeau de diverses couleurs, dont elle était embellie, pour y substituer un drapeau blanc qui l'aurait couverte tout entière, après l'éloignement du fabuleux Napoléon. Mais il serait inutile de répéter que ce n'est qu'un emblème des frimas que les vents du Nord nous apportent durant l'hiver, à la place des _aimables_ couleurs que le soleil maintenait dans nos contrées, avant que par son déclin il se fût éloigné de nous; toutes choses dont il est facile de voir l'analogie avec les fables ingénieuses que l'on a imaginées dans notre siècle. 6º Selon les mêmes fables, Napoléon eut deux femmes; aussi en avait-on attribué deux au soleil. Ces deux femmes du soleil étaient la Lune et la Terre: la Lune, selon les Grecs (c'est Plutarque qui l'atteste), et la Terre, selon les Egyptiens; avec cette différence bien remarquable que, de l'une (c'est-à-dire de la Lune), le Soleil n'eut point de postérité, et que de l'autre il eut un fils, _un fils unique_; c'est le petit _Horus_, fils d'Osiris et d'Isis, c'est-à-dire du Soleil et de la Terre, comme on le voit dans l'_Histoire du ciel_, T. 1, page 61 et suivantes. C'est une allégorie égyptienne, dans laquelle le petit _Horus_, né de la terre fécondée par le soleil, représente les fruits de l'agriculture; et précisément on a placé la naissance du prétendu fils de Napoléon au 20 mars, à l'équinoxe du printemps, parce que c'est au printemps que les productions de l'agriculture prennent leur grand développement. 7º On dit que Napoléon mit fin à un fléau dévastateur qui _terrorisait_ toute la France, et qu'on nomma l'hydre de la Révolution. Or, une hydre est un serpent, et peu importe l'espèce, surtout quand il s'agit d'une fable. C'est le serpent Python, reptile énorme qui était pour la Grèce l'objet d'une extrême terreur, qu'Apollon dissipa en tuant ce monstre, ce qui fut son premier exploit; et c'est pour cela qu'on nous dit que Napoléon commença son règne en étouffant la révolution française, aussi chimérique que tout le reste; car on voit bien que _révolution_ est emprunté du mot latin _revolutus_, qui signale un serpent enroulé sur lui-même. C'est Python, et rien de plus. 8º Le célèbre guerrier du XIXe siècle avait, dit-on, douze maréchaux de son empire à la tête de ses armées, et quatre en non activité. Or, les douze premiers (comme bien entendu) sont les douze signes du zodiaque, marchant sous les ordres du soleil Napoléon, et commandant chacun une division de l'innombrable armée des étoiles, qui est appelée _milice céleste_ dans la Bible, et se trouve partagée en douze parties, correspondant aux douze signes du zodiaque. Tels sont les douze maréchaux qui, suivant nos fabuleuses chroniques, étaient en activité de service sous l'empereur Napoléon; et les quatre autres, vraisemblablement, sont les quatre points cardinaux, qui, immobiles au milieu du mouvement général, sont fort bien représentés par la non-activité dont il s'agit. Ainsi, tous ces maréchaux, tant actifs qu'inactifs, sont des êtres purement symboliques, qui n'ont pas eu plus de réalité que leur chef. 9º On nous dit que ce chef de tant de brillantes armées avait parcouru glorieusement les contrées du Midi; mais qu'ayant trop pénétré dans le Nord, il ne put s'y maintenir. Or, tout cela caractérise parfaitement la marche du soleil. Le soleil, on le sait bien, domine en souverain dans le Midi comme on le dit de l'empereur Napoléon. Mais ce qu'il y a de bien remarquable, c'est qu'après l'équinoxe du printemps le soleil cherche à gagner les régions septentrionales, en s'éloignant de l'équateur. Mais au bout de _trois mois_ de marche vers ces contrées, il rencontre le tropique boréal qui le force à reculer et à revenir sur ses pas vers le Midi, en suivant le signe du Cancer, c'est-à-dire de l'_Ecrevisse_, signe auquel on a donné ce nom (dit Macrobe) pour exprimer la marche rétrograde du soleil dans cet endroit de la sphère. Et c'est là-dessus qu'on a calqué l'imaginaire expédition de Napoléon vers le Nord, vers Moscow, et la retraite humiliante dont on dit qu'elle fut suivie. Ainsi, tout ce qu'on nous raconte des succès ou des revers de cet étrange guerrier, ne sont que des allusions diverses relatives au cours du soleil. 10º Enfin, et ceci n'a besoin d'aucune explication, le soleil se lève à l'Orient et se couche à l'Occident, comme tout le monde le sait. Mais pour des spectateurs situés aux extrémités des terres, le soleil paraît sortir, le matin, des mers orientales, et se plonger, le soir, dans les mers occidentales. C'est ainsi, d'ailleurs, que tous les poètes nous dépeignent son lever et son coucher. Et c'est là tout ce que nous devons entendre quand on nous dit que Napoléon vint par mer de l'Orient (de l'Egypte), pour régner sur la France, et qu'il a été disparaître dans les mers occidentales, après un règne de douze ans, qui ne sont autre chose que les douze heures du jour pendant lesquelles le soleil brille sur l'horizon. _Il n'a régné qu'un jour_, dit l'auteur des _Nouvelles Messéniennes_ en parlant de Napoléon; et la manière dont il décrit son élévation, son déclin et sa chute, prouve que ce charmant poète n'a vu, comme nous, dans Napoléon, qu'une image du soleil; et il n'est pas autre chose; c'est prouvé par son nom, par le nom de sa mère, par ses trois sœurs, ses quatre frères, ses deux femmes, son fils, ses maréchaux et ses exploits; c'est prouvé par le lieu de sa naissance, par la région d'où on nous dit qu'il vint, en entrant dans la carrière de sa domination, par le temps qu'il employa à la parcourir, par les contrées où il domina, par celles où il échoua, et par la région où il disparut, pâle et _découronné_, après sa brillante course, comme le dit le poète _Casimir Delavigne_. Il est donc prouvé que le prétendu héros de notre siècle n'est qu'un personnage allégorique dont tous les attributs sont empruntés du soleil. Et par conséquent Napoléon Bonaparte, dont on a dit et écrit tant de choses, n'a pas même existé, et l'erreur où tant de gens ont donné tête baissée vient d'un _quiproquo_, c'est qu'ils ont pris la mythologie du XIXe siècle pour une histoire. _P. S._--Nous aurions encore pu invoquer, à l'appui de notre thèse, un grand nombre d'ordonnances royales dont les dates certaines sont évidemment contradictoires au règne du prétendu Napoléon; mais nous avons eu nos motifs pour n'en pas faire usage. FIN. NOTES Bio-Bibliographiques par Gustave DAVOIS NOTES Bio-bibliographiques par Gustave DAVOIS Le «_Journal du département de Lot-et-Garonne_» du 2 février 1836, donne dans ce sens l'=Horoscope des destinées futures de l'erratum=: «Ce petit livre ne sera pas un écrit éphémère; il subsistera, parce qu'il sera utile, tant que l'ouvrage de M. Dupuis sera nuisible, c'est-à-dire jusqu'à ce que sa méthode soit entièrement discréditée, ce à quoi le petit livre ne cessera de contribuer; et il pourra fort bien arriver qu'enfin le pygmée en volume renversera le géant.» Si cet horoscope a été tiré par M. Dupuis ou un de ses disciples, il y a tout lieu de croire que cette fois les astres lui furent favorables. Et alors que va-t-il se passer? Feu M. Pérès s'étant servi des mêmes principes, nos deux adversaires vont se trouver d'accord; et voilà notre grand homme, notre NAPOLÉON, qui disparaît comme par enchantement; voilà tout un monde bouleversé, un chambardement général dans les idées des peuples, l'histoire démolie et archi-fausse. N'envoyons plus nos enfants à l'école, on les trompe!... Que s'est-il donc passé à la place de nos grandes victoires militaires dont nous sommes si fiers? Qui étiez-vous: Austerlitz, Iéna, Wagram; et vous Waterloo?... Waterloo!!! nom lugubre. Des morts, encore des morts; puis des mourants, des fous, au regard froid et hagard, quelques vieux de la vieille bravant la «Camarde», puis enfin le dernier soubresaut de l'agonie de l'«Aigle». Des morts, encore des morts; puis des braves et c'est tout. Levez-vous les héros, et malgré de longues années dans la tombe, répondez de vos voix mâles.... Présent! Ne semble-t-il pas que l'on entend encore siffler les balles? Et vous les Berthier, Murat, Masséna, Brune, Lannes, Ney, Davout, Grouchy et autres, que l'on voit encore sur nos places publiques, descendez de votre piédestal, vous n'avez jamais existé, vous avez tout simplement volé la place des autres. Ces Français qui se vantent d'avoir conquis le monde! Ah! ah! quelle blague. Sacrés farceurs, est-ce possible! Mais non, voyons! Et au fait! sommes-nous Français? Il aurait sans doute été nécessaire de consulter à ce sujet M. Dupuis! Peut-être nous aurait-il appris que l'invasion jaune que l'on nous promet (j'ignore si les astres furent consultés) s'est justement passée à cette fameuse période Napoléonienne, et que nous sommes tout simplement des descendants des «fils du ciel». Ne vaut-il pas mieux croire que toutes ces histoires sont dans les nuages? Si le «pygmée en volume a renversé le géant» c'est simplement que toute idée fausse, si elle peut entraîner quelques admirateurs, ne dure pas longtemps. Il se trouve toujours des hommes assez énergiques pour terrasser le mal et répandre la clarté parmi de pauvres égarés, qui s'enfoncent d'autant plus dans les ténèbres, qu'ils ne veulent pas démordre de leurs bêtises. Si nos anciens croyaient aux astres, c'est qu'ils en avaient peur; ignorant ce qui se passait là-haut, le ciel était pour eux un dieu surnaturel. Mais heureusement nous avons appris, et nous n'avons plus peur. Celui qui a si justement prédit que «ce petit livre ne sera pas un écrit éphémère» ne croyait sûrement pas à ces erreurs; et ma foi je crois qu'il vaut encore mieux ne pas y croire et avoir notre «Napoléon». * * * * * Pour pouvoir expliquer la raison qui fit faire le travail qui précède à M. Pérès J.-B., oratorien, professeur de mathématiques et de physique à Lyon, qui devint ensuite substitut du procureur général près la cour royale d'Agen, bibliothécaire de cette ville, et qui mourut à Agen en 1840; il faut auparavant faire la connaissance de son adversaire Monsieur Dupuis. Monsieur Dupuis Charles François, érudit et philosophe, naquit à Trie-Château, près Chaumont, dans l'Oise, le 16 octobre 1742 et mourut à Is-sur-Tille (Côte-d'Or) le 29 septembre 1809. Issu d'une famille plutôt pauvre, qui plus tard alla s'établir à la Roche-Guyon, il rentra sous la protection du duc de Larochefoucault au collège d'Harcourt. A vingt-quatre ans, le jeune Dupuis était professeur de rhétorique au collège de Lisieux. Il parvint à force de travail continu à se faire recevoir avocat, et, dans ses moments perdus, se livra avec acharnement à l'étude des mathématiques et surtout de l'antiquité. En 1775, ce fut à M. Dupuis que l'on confia le soin de composer le discours latin qui devait être prononcé à la distribution des prix de l'Université. Ce discours fut fort applaudi, et quelques années plus tard, M. Dupuis obtint un nouveau succès lorsqu'il prononça, au nom de l'Université, l'oraison funèbre de Marie-Thérèse. A l'étude des mathématiques, il joignit celle de l'astronomie, et eut pour maître Lalande, qui devint son ami. Il fut beaucoup parlé de lui lorsqu'il publia son «_Mémoire sur l'origine des constellations et sur l'explication de la fable par le moyen de l'astronomie_», à cause de la hardiesse de ce mémoire, qui lui attira quelques admirateurs. Après avoir été professeur d'éloquence latine au collège de France (1787), il rentra à l'académie des inscriptions (1788). Ensuite, il fut élu par le département de Seine-et-Oise, député à la Convention Nationale. Là, tout à fait indifférent aux luttes des partis, qu'il avait constamment sous les yeux, il travailla dans le comité d'instruction publique, dont il était un des membres, puis il fit partie du conseil des Cinq-Cents et s'occupa énergiquement de l'organisation des écoles centrales. Il termina sa vie politique au Tribunat, où il eut un siège du 18 brumaire jusqu'en 1802, puis se retira complètement. M. Dupuis a laissé comme écrits: L'Origine de tous les cultes ou religion universelle, 3 volumes in-4º avec atlas et en 12 volumes in-8º, 1794. Plusieurs fragments de cet ouvrage furent publiés dans le «_Journal des Savants_» et dédiés à l'académie des inscriptions. Plus tard ces fragments furent réunis dans l'«_Astronomie de_ _Lalande_» et donnés séparément en un volume in-4º sous le titre:--Mémoire sur l'origine des constellations et sur l'explication de la fable par l'astronomie. On raconte que dans la crainte de blesser les âmes religieuses et de s'attirer la haine des dévots, M. Dupuis fut sur le point de détruire le manuscrit de ce grand travail. C'est sa femme qui aurait caché le fruit de tant de veilles, pour le soustraire aux flammes, et ne l'aurait rendu que sous la promesse formelle de sa publication prochaine. En effet, son apparition excita une vive curiosité; les louanges et les critiques affluèrent à son auteur avec un entrain formidable. Il y eut même de vives controverses, car s'il y eut des admirateurs pour son talent littéraire, ceux-ci ne partageaient pas du tout ses idées. Il est incontestable que cette œuvre, remplie de données les plus hardies, a coûté à M. Dupuis un travail énorme qu'il sut présenter avec une intelligence supérieure. «Ce n'est plus par des raisonnements que nous chercherons à prouver que l'univers et ses parties, considérées comme autant de portions de la grande cause ou du grand être, ont dû attirer les regards et les hommages des mortels. C'est par des faits et par un précis de l'histoire religieuse de tous les peuples, que nous pouvons démontrer que ce qui a dû être a été effectivement, et que tous les hommes de tous les pays, dès la plus haute antiquité, n'ont eu d'autres dieux que les dieux naturels, c'est-à-dire le monde et ses parties les plus actives et les plus brillantes, le ciel, la terre, le soleil, la lune, les planètes, les astres fixes, les éléments, et en général tout ce qui porte le caractère de cause et de perpétuité dans la nature. Peindre et chanter le monde et ses opérations, c'était autrefois peindre et chanter la divinité.» Voilà ce que l'auteur de l'_Origine des Cultes_ s'est efforcé de nous démontrer dans son travail colossal. En 1798, il fit de l'_Origine de tous les Cultes_ un «abrégé» qui devint sous la Restauration un des principaux ouvrages de la propagande anti-religieuse, et qui lui attira une quantité de partisans. Cet «abrégé» eut plusieurs éditions et réimpressions sous le titre: --Origine de tous les cultes ou religion universelle. Edition nouvelle soigneusement revue et corrigée d'après l'édition publiée sous les yeux de l'auteur, augmentée de ses observations sur le zodiaque de Denderah, etc., par M. Augis. 13 vol. in-8º, avec atlas in-4º, 1835-1837. _Paris, Rozier._ --De l'origine de tous les cultes. Nouvelle édition, 1 vol. in-12, 1869. _Décembre-Alonnier._, 3 fr. 50 --Abrégé de l'origine de tous les cultes. 3 vol. in-32, 1879. _Librairie de la Bibliothèque Nationale._ Forme les tomes 240 et 242 de la Bibliothèque Nationale. 0 fr. 75 --Abrégé de l'origine de tous les cultes, suivi du christianisme par Benjamin Constant, avec une notice et des notes critiques par B. Saint-Marc. In-12, 1881. _Garnier._3. fr. --L'origine de tous les cultes. Edition populaire complète, in-12, 1883._Librairie anticléricale._ 1 fr. 50 On a également de M. Dupuis: --Dissertation sur le zodiaque de Denderah, 1806. Et deux --Mémoires sur les Pélasges, dans le «Recueil de l'Institut», 1798. --Mémoire sur le Phénix, inscrit dans la collection des Mémoires de l'Académie. --Lettres sur l'origine astronomique de l'idolâtrie et de la fable, in-4º. --Lettre sur le Dieu Soleil, in-4º. --Lettre sur Janus, in-4º. En 1805, Dupuis publia dans l'_Almanach des Muses_, un _Fragment_ en vers du _Poëme astronomique de Nonnus_. Il laissa comme manuscrit, un travail fort étendu sur les _Hiéroglyphes égyptiens_, des _Lettres sur la Mythologie_, et une traduction des _Discours choisis de Cicéron_. * * * * * Maintenant voyons pour quel motif Monsieur Pérès fit: «Comme quoi Napoléon n'a jamais existé». Se trouvant en villégiature à la campagne chez un de ses amis, M. Pérès fit au bout de quelques jours la connaissance d'un jeune étudiant, admirateur des ouvrages de M. Dupuis, qui s'en était fait un partisan des plus convaincus. Un jour la conversation roula justement sur l'_Origine des cultes_, notre jeune homme, tout feu tout flamme pour cet ouvrage, ne voulut rien admettre qui fût contraire à ses idées. Après une forte discussion, M. Pérès voulut convaincre le jeune fervent, lui prouver la fausseté, et par conséquent l'inutilité des systèmes de M. Dupuis. Rien n'ébranla la conviction de son partenaire. C'est alors que l'idée lui vint, qu'en utilisant les mêmes principes admis par M. Dupuis, c'est-à-dire en ne se servant que de rapprochements astronomiques et mythologiques qui sont ses moyens de prédilection, il pourrait prouver que «Napoléon n'a jamais existé». C'était hardi au plus haut point et plutôt risible. Autant chercher à démontrer que le soleil n'a jamais existé. Néanmoins, le jeune homme accepta, et c'est de la sorte que M. Pérès, qui avait jeté ce défi si vivement, se mit à l'œuvre pour composer cet écrit, qu'il eut le plaisir de lire lui-même à son jeune adversaire quelques jours après. Cet opuscule eut les éditions suivantes: --Comme quoi Napoléon n'a jamais existé, grand erratum, source d'un nombre infini d'errata à noter dans l'histoire du XIXe siècle. _Paris_, 1827. La 1re édition est anonyme. --Comme quoi Napoléon n'a jamais existé, ou grand erratum, source d'un nombre infini d'errata à noter dans l'histoire du XIXe siècle, par feu M. J.-B. Pérès, A. O. A. M. Bibliothécaire de la ville d'Agen. 5e édition, in-16 de 32 pages. _L. R. Delay_, 1842. Contient une observation de l'éditeur. --Comme quoi Napoléon n'a jamais existé ou grand erratum, source d'un nombre infini d'errata à noter dans l'histoire du XIXe siècle, par feu M. J.-B. Pérès, 10e édition, publiée par Frédéric Monod, in-32, _Meyrueis et Cie_, 1864. 0 fr. 30 Se trouve également dans: --Histoires drôlatiques de l'empereur Napoléon Ier, racontées par H. de Balzac, A. Tonsez et F. Soulié; suivies de: Comme quoi Napoléon n'a jamais existé, etc. Recueillies par Arthur Delanoue. In-32, 1854, _Passard_. 1 fr. 50 Arthur Delanoue, (ainsi que Louis Delanoue) est le pseudonyme de Passard. (François Lubin), libraire-éditeur et écrivain, né à Champrond-en-Gâtine (Eure-et-Loir) en 1817. --Un million de curiosités napoléoniennes, histoire drôlatique de Napoléon Ier. Comme quoi Napoléon Ier n'a jamais existé, etc., par Balzac, A. Tonsez, F. Soulié, J.-B. Pérès, etc. In-32, 1863, _Passard_. 1 fr. 50 Anonyme. MM. Quérard et Bourquelot dans «la Littérature française contemporaine» signalent à tort l'ouvrage de M. Pérès comme étant de Borel Pétrus, écrivain, né à Lyon le 28 juin 1809. Erreur qu'ils reconnaissent eux-mêmes. _EN VENTE_: GUSTAVE DAVOIS Les Bonaparte Littérateurs ESSAI BIBLIOGRAPHIQUE _In-8º imprimé sur deux colonnes, contenant une allocution, une déclaration et des lettres du_ Prince Victor Napoléon. =3= fr. Envoi franco contre timbres ou mandat-poste. _EN PRÉPARATION_: GUSTAVE DAVOIS Bibliographie Napoléonienne Française Jusqu'en 1908 _Un prospectus spécial annoncera les conditions de publication et de vente._ _Tout ouvrage concernant_ l'ère napoléonienne _ayant été publié jusqu'en 1908, qui sera adressé à_ L'ÉDITION BIBLIOGRAPHIQUE, 11, Rue Gît-le-Cœur, Paris, _sera analysé et annoncé gratuitement_. _MM. les Directeurs de Journaux, Revues, Publications périodiques, etc., ont également tout intérêt à nous envoyer leurs_ Tables des Matières _parues jusqu'en 1908 compris, afin que nous puissions en extraire les renseignements nous concernant_. _Grande Imprimerie du Centre, HERBIN.--Mont_ End of the Project Gutenberg EBook of Comme quoi Napoléon n'a jamais existé, by Pérès Jean-Baptiste *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 56212 ***